Photo DOMINIQUE FAGET / AFP Stéphane Lissner
Le directeur de l'institution lyrique, fragilisée par la crise
économique et sanitaire, quittera ses fonctions dès la fin de l'année 2020,
laissant sa place à son successeur désigné, l'Allemand AlLa pandémie de
coronavirus a porté un coup de massue à l'Opéra national de Paris, déjà
affaibli par les grèves contre la réforme des retraites. L'institution affiche
aujourd'hui 40 millions d'euros de dettes. Une situation préoccupante qui a
décidé Stéphane Lissner, à la tête de la maison d'art lyrique depuis 2014, à
mettre fin à son mandat plus tôt que prévu.
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Le directeur général, qui devait quitter l'institution en
juillet 2021, laissera finalement la place fin décembre à son successeur
désigné, et «directeur préfigurateur» depuis un an. «La situation l'exige,
explique-t-il dans un entretien au Monde jeudi. L'urgence de la
situation économique va exiger des prises de décision drastiques et immédiates,
qui auront un impact social important.» Son départ devrait donc permettre
à l'Allemand Alexander Neef, 46 ans, d'avoir le champ libre pour redresser un
Opéra bien mal en point. « À genoux», même, selon l'expression
de Stéphane Lissner.
exander Neef.
5 millions d'euros de pertes financières
La crise sanitaire que traverse le pays est le dernier épisode
d'événements malheureux pour l'établissement, qui fête ses 350 ans. Depuis le
début de son mandat, Stéphane Lissner a, explique-t-il, assisté aux terribles
attentats du Bataclan, aux manifestations contre la loi travail El Khomri et à
une année bouleversée par le mouvement des «gilets jaunes».
C'est là que je me suis dit : la maison est abîmée
Ce à quoi s'ajoutent les récentes grèves contre la réforme des retraites qui auront coûté 14,5 millions d'euros à l'Opéra, et les annulations liées à la pandémie, représentant à elles seules des pertes financières estimées à 31 millions d'euros. Des difficultés qui s'ajoutent à celles, structurelles, qui entravent l'établissement et que Stéphane Lissner ne tait pas. «Il m'a beaucoup été reproché la forme de soutien que j'ai exprimée vis-à-vis des grévistes de l'Opéra de Paris en décembre 2019, explique-t-il. Mais ce chantage continuel au lever de rideau, le fait de devoir attendre jusqu'à une demi-heure avant un spectacle pour savoir s'il sera joué ou non, tout cela n'a plus rien à voir avec notre métier.»
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Lissner
«C'est là que je me suis dit : la maison est abîmée», ajoute
Stéphane Lissner. Un important travail attend son successeur, qui devra
composer avec une programmation 2020-2021 déjà bien amputée. Quant à l'actuel
directeur, sa tâche est loin d'être terminée. D'ici la fin de l'année, l'avenir
de l'Opéra s'annonce incertain entre obligations sanitaires, interrogations sur
la fidélité du public, et difficultés de faire venir des artistes étrangers,
dont 55% résident en dehors de l'espace Schengen.
Fermeture de l'Opéra à l'automne
Pour le moment, Stéphane Lissner préfère s'en tenir à des
horizons moins lointains. L'Opéra a ainsi annoncé engager dès l'été 2020 des
travaux de rénovation de ses deux salles, initialement prévus en 2021. L'Opéra
de Bastille ne devrait donc rouvrir ses portes que le 24 novembre et le Palais
Garnier à la fin décembre, annulant de ce fait les spectacles programmés
pendant toute cette période.
Je trouve la situation très préoccupante pour les jeunes
artistes
D'ici là, l'institution assure une part de rémunération des
artistes, en payant l'intégralité des chanteurs jusqu'au 15 juillet entre 25 %
et 30 % de leur cachet. «Cela permet une péréquation solidaire entre les
mieux lotis et les plus précaires. Je trouve d'ailleurs la situation très
préoccupante pour les jeunes artistes», déplore le directeur général.
Stéphane Lissner rejoindra ensuite le théâtre San Carlo de
Naples, l'une des plus anciennes scènes lyriques européennes, en tant que
surintendant et directeur artistique. Une responsabilité qu'il assume en
parallèle de ses fonctions à l'Opéra de Paris depuis le 1er avril.
À lire aussi : Stéphane Lissner, le patron de l’Opéra de Paris, en route pour le théâtre San CarloUne fois les travaux terminés, l'Opéra Bastille doit retrouver le public avec La Traviata de Giuseppe Verdi dans la mise en scène de Simon Stone, initialement programmée au Palais-Garnier. La production de Carmen de Georges Bizet dans la mise en scène de Calixto Bieito et le ballet La Bayadère chorégraphié par Rudolf Noureev clôtureront l'année 2020. Des concerts et des ballets devraient également être présentés devant le rideau de fer du Palais-Garnier à partir du 15 septembre, promet Stéphane Lissner.