Hugo Marchand, septembre 2019 • Crédits : Matthew Brookes, Opéra de Paris
-dessus de la légende, on le
voit danser, collants bleus, dans le lac des Cygnes, sur la scène de l’Opéra
Bastille. Nous étions alors au Jour 4 du confinement. Nous sommes au jour 15 et
le danseur étoile, 26 ans, accro depuis qu’il en a 9, continue de publier des
souvenirs. Il lui faut sa dose. De dopamine et de mouvement : “Comme
on a besoin de manger, de dormir ou de boire, moi j'ai besoin de danser (…) C’est
un outil, une manière de s'exprimer qu'on n'a plus et on ne libère pas du tout
les mêmes hormones. On a ce manque physique qui est très présent et qu'on
essaye de palier en faisant d'autres choses mais ce n’est pas facile”.
Impossible, même.
Aujourd’hui,
enfermé à Biarritz (il a fui Paris juste avant le confinement) avec son mètre
quatre-vingt douze et sa paire de chaussons, rien à voir : “Je ne
peux pas sauter, je ne peux pas tourner parce que je n'ai pas de sols adéquates
pour le faire et puis je n'ai pas de place”. Alors il tente de “limiter
les dégâts” en s’imposant ce qui fait son quotidien depuis plus de quinze
ans : une routine. Dix heures et demi, étirements. Onze heures, “une
barre” en visioconférence sur sa tablette, en groupe avec un prof, “on
arrive à retrouver une ambiance de classe”.
Le jour où
nous l'interrogeons, il rentre d’un jogging de quarante minutes, nous parle
aussi d’abdominaux et de pompes, “j'en suis à trois séries de quinze par
jour” et ne compte pas en rester là : “Chaque jour, on fait un peu
plus pour essayer toujours d'avoir un objectif, de l’atteindre, d'en être
content, d'en être fier et d'avoir un nouvel objectif pour le lendemain. Moi,
c'est ça qui me rassure (…) Ça libère aussi des hormones positives et c'est une
manière de garder la pêche, de garder un état d'esprit combatif et fort (…) Se
dire qu'à la fin de ce confinement je vais avoir compris d'autres choses sur
mon corps. Continuer à le faire travailler. C’est rassurant”.
Se rassurer.
Une mission pour Hugo Marchand pendant cet enfermement inédit. Pour “ne
pas repartir de trop loin” ni se blesser une fois la liberté
retrouvée : “Si on ne fait vraiment rien pendant un mois et demi, deux
mois, physiquement on prend vraiment des risques au retour. C'est aussi une
manière d'anticiper la reprise”.
Prévoyant et
concerné : “Je me dis surtout que les gens vont avoir besoin d'aller au
spectacle après cette période compliquée, difficile. Ils vont avoir besoin de
se changer la tête, de voir de la danse, d’aller au concert. J’ai l'impression
d’avoir une forme de responsabilité par rapport aux autres, c'est un peu
bizarre de penser comme ça mais je pense que c'est important (…) Le plus on
arrive à rester en forme, le plus vite on va réussir à remonter sur scène, le
plus vite les spectacles pourront reprendre, le plus vite les gens pourront
rêver de nouveau !”
Quant à ce
qui se passe dehors, évidemment, l'artiste sait :“Tout le monde est
stressé, tout le monde est anxieux, tout le monde a peur (…) On a un peu
l'impression que tout se retourne contre l’humanité”. Mais les infos trop
anxiogènes, il les l’évite, “si on commence à compter le nombre de morts par
jour et puis à se morfondre sur notre situation, ça va être terrible”. Il
s’emploie plutôt à ne retenir que "le positif" pour
garder “une tête saine”. Comme l’air plus pur à Pékin ou l’eau plus
claire à Venise. L’occasion, pourquoi pas, il l’espère en tout cas,“qu’une
grande conscience écologique se mette en place”.
Ecouter des
podcasts de méditation aussi, lire (dans sa valise il a notamment embarqué un
bouquin d’Edouard Louis, un autre de Laurent Gaudé), réécouter ou revoir des
chefs-d’oeuvre. S’attarder “sur ce que l'humanité peut faire de plus
beau”.
suite de l'article sur