«Pendant toute l’époque communiste on imposait aux enfants l’idéologie communiste, c’était du bolchévisme, a lancé Andrzej Duda, président sortant et candidat à sa propre succession, le 13 juin, depuis la ville de Brzeg. Aujourd’hui on tente de leur inculquer une nouvelle idéologie [LGBT, ndlr.], c’est une sorte de néobolchévisme.» La comparaison est osée, dans un pays où les blessures causées par la répression communiste sont encore vives.
En quelques
jours, les attaques contre la communauté LGBT se sont multipliées au sein du
PiS. Joachim Brudzinski, député européen, a par exemple prétendu sur Twitter,
le 11 juin, que la «Pologne serait plus belle sans les LGBT». «Les
LGBT ne sont pas des gens, c’est une idéologie», a renchéri le lendemain
le député Jacek Zalek à l’antenne de la chaîne de télévision TVN24.
Ses propos
lui ont valu la colère de la présentatrice, qui a mis fin à l’interview en
visioconférence, mais ils ont été soutenus et répétés par Andrzej Duda. «Dire
que les LGBT ne sont pas des gens, c’est un discours de haine. C’est totalement
déshumanisant», dénonce Miko Czerwinski, chargé des sujets LGBT et droits
des femmes à Amnesty International Pologne.
L’«idéologie
LGBT» fantasmée par les dirigeants du PiS s’est désormais imposée au cœur de la
campagne électorale polonaise. Elle constitue un élément majeur du discours du
président sortant, qui a signé une «charte pour la famille» dans laquelle il
s’engage à ne pas autoriser le mariage homosexuel, ni l’adoption par les
couples homosexuels. Il promet aussi de «protéger les enfants de
l’idéologie LGBT» en garantissant aux parents la possibilité de refuser
que leurs enfants assistent à des cours d’éducation sexuelle à l’école.
Investi par
le parti de centre-droit Plateforme civique (PO) et principal adversaire
d’Andrzej Duda, Rafał Trzaskowski est décrit par les responsables du PiS comme
le candidat de la communauté LGBT. En cause : son action à la mairie de Varsovie,
où il a introduit, quelques mois après son élection en 2018, une charte LGBT
qui prévoit notamment des mesures de protection pour les personnes rejetées par
leur famille et une éducation contre la discrimination.
En
juin 2019, il était devenu le premier maire de Varsovie à participer à une
marche des fiertés dans la capitale polonaise. «Nous avons le choix entre
une Pologne rouge et blanche représentée par le président actuel et une Pologne
arc-en-ciel portée par Rafał Trzaskowski», a ainsi caricaturé Krzysztof
Sobolewski, président du comité exécutif du PiS, en référence aux couleurs du
drapeau national et à celles de la communauté LGBT.
«Le PiS trouve toujours des boucs émissaires lors de ses campagnes électorales, accuse Rémy Bonny, chercheur en sciences politiques à Bruxelles et spécialiste des mouvements LGBT en Europe centrale et orientale. En 2014, les migrants étaient décrits comme une menace contre la Pologne, mais très peu sont entrés sur le territoire polonais. Depuis, le mouvement LGBT est devenu plus visible, surtout dans les villes, et le PiS a changé de cible.»
Riche en
rendez-vous électoraux avec des élections européennes en mai et législatives en
octobre, l’année 2019 a constitué une rupture, à partir de laquelle le parti
dirigé par Jarosław Kaczynski adopte une rhétorique résolument anti-LGBT. «Mais
cette année, c’est encore pire : c’est la première fois que des officiels
aussi importants, jusqu’à Andrzej Duda, utilisent un langage aussi violent», poursuit
Rémy Bonny.
Le 20 juillet 2019, une marche des fiertés organisée pour la première fois à Bialystok, dans l’est conservateur du pays, a été attaquée par une foule de jeunes hommes survoltés, qui ont poursuivi les manifestants de leurs insultes et leur ont jeté des œufs, des pierres, des bouteilles ou des pétards. Au même moment, l’hebdomadaire conservateur Gazeta Polska décidait de distribuer à ses lecteurs des autocollants portant la mention «zone sans LGBT». «Nous voyons de la violence physique contre les LGBT presque tous les jours», regrette Miko Czerwinski, d’Amnesty International Pologne, selon lequel «les discours de haine du PiS incitent à la violence». Au mois de mai, un index publié par le réseau ILGA Europe a classé la Pologne dans les derniers rangs de l’Union européenne en termes de politiques en faveur des droits LGBT.
Tolérance en progrès
Pas sûr,
pour autant, que la stratégie d’Andrzej Duda trouve un écho dans la population.
A en croire l’Eurobaromètre des discriminations établi par la Commission
européenne, la tolérance vis-à-vis de la communauté LGBT progresse en Pologne.
En 2019, 49% des Polonais jugent que les personnes LGBT doivent bénéficier des
mêmes droits que les hétérosexuels (contre 46% qui pensent l’inverse), soit 12
points de plus qu’en 2015. 65% estiment que la diversité en termes
d’orientation sexuelle doit être enseignée aux enfants.
«Je pense
que les propos d’Andrzej Duda ont choqué beaucoup de monde. Des gens qui ne
parlaient pas beaucoup de la communauté LGBT ont commencé à dénoncer ses
attaques. La population polonaise est plus tolérante que les politiciens», relève
Miko Czerwinski, d’Amnesty international. Pour l’heure, les sondages prédisent
un second tour disputé entre Rafał Trzaskowski et le président sortant.
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Samuel Ravier-Regnat Source libération
https://www.liberation.fr/planete/2020/06/16/en-pologne-le-pis-attise-la-haine-anti-
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